Qui a dit que l’usinage était bientôt mort? Que les fraiseuses, tourneuses et autres aléseuses seraient réduites au statut de reliques par les nouvelles techniques de fabrication comme l’impression 3D?
La machine-outil traditionnelle riposte avec une micro-machine à commande numérique (CNC) 5 axes et qui mesure environ 25 cm de côté, pèse 35 kg et ressemble plus à une (grande) machine à café qu’à une fraiseuse industrielle.
La Micro5 – c’est son nom – est née d’une volonté de réduire la consommation d’énergie des machines-outil. Sa taille n’en est que la conséquence, explique le professeur Claude Jeannerat, responsable du programme EcoSwissmade au sein du réseau académique HES-SO. «Les machines utilisées pour usiner une carrure de montre, par exemple, pèsent plusieurs tonnes et disposent d’une puissance installée approchant les 25 à 30 kW, précise le spécialiste. Nous avons cherché à concevoir une machine dont les dimensions seraient plus adaptées». Son équipe est arrivée à la conclusion que le ratio optimal était de 1 pour 5. «Le diamètre d’une carrure de montre est inférieur à 50 mm, et une puissance de 400 W suffit pour l’usiner».
Des dizaines de sollicitations
Les recherches ont débuté en mars 2014 entre les hautes écoles de St-Imier, Yverdon-les-Bains et Genève. Un prototype a été présenté à Moutier, au salon de la sous-traitance Siams, en avril dernier, puis au salon EPHJ de Palexpo, en juin. Depuis, les sollicitations se multiplient. Des dizaines d’entreprises – des sous-traitants et des marques horlogères – sont entrées en contact avec Claude Jeannerat. Du coup, le projet prend véritablement forme. Micro5 a désormais des relais industriels.
En échange de futures royalties, les plans ont été cédés à une poignée d’entreprises suisses disposées à produire la machine. Parmi elles, l’intégrateur industriel Mecatis, à Lausanne et Isérables (VS), Safelock, spécialiste du micro-usinage basé à Malleray (BE) et Productec, sise à Rossemaison (JU) et active dans la programmation de machines présentent leur projet commun au salon Prodex à Bâle, qui se tient depuis ce mardi 15 novembre et jusqu’au vendredi 18.
Dans un premier temps, une dizaine de machines seront fabriquées et livrées à des clients pilotes à partir de mars 2017. «Le modèle d’affaires sera plus innovant que celui qui consiste à simplement vendre une machine et ne plus en entendre parler», prévoit Samuel Vuadens, le directeur de Mecatis, qui a déjà une vision assez précise de ce que cette machine pourrait déclencher dans un secteur de la sous-traitance microtechnique assez conservateur.
Le milieu se montre plus ouvert que prévu, corrige le professeur Jeannerat: «Ce concept est mieux reçu aujourd’hui qu’il ne l’aurait été il y a 5 ou 10 ans». Car en toile de fond, il y a l’avènement de l’industrie 4.0. Un bouleversement qui force à l’ouverture d’esprit.
Les paysans-horlogers 4.0
Deux brevets ont été déposés: un pour la machine et un autre pour le concept de micro-usine qu’elle permettra de développer. Car si diversité des opérations est moins grande sur une Micro5 que sur ses imposantes prédécesseurs, l’idée est de «multiplier le nombre de machines, chacune ayant un rôle précis, poursuit Samuel Vuadens. On peut aussi imaginer que les fabricants horlogers achètent les machines et les louent à leurs sous-traitants».
Contrairement aux machines-outils traditionnelles, la Micro5 est connectée. Elle peut collecter des donnés et, potentiellement, être réglée à distance. Mais surtout, elle peut être installée n’importe où, sur n’importe quel établi. Une production décentralisée où les «makers» seraient les paysans-horlogers d’autrefois, mais à la sauce 4.0.
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Auteur : Servan Peca
La machine-outil se rebiffe